Mettre en scène l’espace urbain dans le cinéma nord-coréen, l’exemple du film « Uri-ga sanŭn kŏri » (1980)

© Hina coven, illustration de la scène du film « Uri-ga sanŭn kŏri » à 17min58s.

Cet article résume la communication réalisée par Marion Casala, doctorante EHESS-CRC et membre du projet City-NKor, dans le cadre du panel « Perspective of urban development in Korea » qui a eu lieu lors de la 31^ème conférence de l’AKSE (Association of Korean Studies in Europe) à La Rochelle en octobre 2021.

M. Casala a choisi d’analyser la manière dont la ville et les espaces urbains sont représentés et pratiqués dans le film Uri-ga sanŭn kŏri (littéralement : La rue où nous habitons) de Chae Rong Ki sorti en 1980. Ce film met en scène la ville, ou plus précisément un quartier, à travers de ses habitants et du comité en charge de son développement. Alors que le comité veut diriger ses efforts vers la construction de nouvelles infrastructures, le chef du comité souhaite lui réhabiliter certains lieux urbains (les rues, le parc, etc.) rendus inaccessibles en raison d’une tempête. En s’appuyant sur les plans où la ville est représentée dans ce film, M. Casala interroge la manière dont la ville est filmée et dont le langage cinématographique aborde l’urbanité en Corée du Nord.

Dans une première partie, elle propose une classification des lieux présents dans le film qui permettent aux spectateurs d’identifier le milieu comme urbain. Elle fait émerger deux catégories : les lieux en extérieur (les rues, le parc, les sites de construction et le terrain de jeux) et les lieux en intérieur qu’elle divise en deux sous-catégories avec, d’un côté, les lieux publiques (les bureaux) et, de l’autre, les lieux privés (les appartements). En analysant le temps donné aux paysages urbains et le traitement dont ils font l’objet dans le scénario, M. Casala identifie le parc et les rues comme des éléments importants de l’urbanité dans ce film.

Dans une seconde partie, M. Casala s’est intéressée à la manière dont les lieux sont pratiqués par les personnages et les problèmes urbains soulevés par le scénario. Elle met en avant que le type d’habitation privilégiée en milieu urbain est l’appartement. De plus, elle montre comment ces lieux peuvent tant révéler une standardisation de l’habitat, qu’un problème de gestion dont il faut s’occuper. En effet l’un des appartements dans le film est délabré et sa remise en état est l’un des sujets du film. Ainsi, les problèmes urbains et le contexte d’urbanisation rapide de la ville (visible à travers les chantiers de construction d’appartements) sont un appui scénaristique servant à mettre en avant le personnage principal et son combat pour l’entretien et la réhabilitation de certains lieux : notamment la rue et le parc.

A travers son étude, M. Casala démontre que le message du film est double : alors qu’il est nécessaire de construire de nouvelles infrastructures pour les habitants, il est tout aussi nécessaire d’entretenir celles déjà existantes. Son analyse expose aussi que le mouvement (des corps, de la construction urbaine mis en scène par les plans des caméras) est un élément structurant de l’urbain au cinéma. En conclusion, cette représentation de ville vivante permet de mettre en avant la question de la circulation des modes de représentations de l’urbanité au cinéma.